20 avr. 2006

Ecrit il y a 3 ans : Mozart

Hier soir, j’ai pleuré comme un gosse fraîchement orphelin, sans raison particulière, simplement en écoutant la plus belle messe des morts de tous les temps, en l’entendant transpercer mes poches lacrymales, me faisant ressentir l’infini de sa puissance libératrice. C’était la voix de Dieu à travers la musique de Mozart.

L’écouter, mais l’écouter vraiment, comme Mozart disait " entendre", est une invitation au voyage ; un voyage au bout de la nuit (!), un voyage au fond de soi. L’écouter et l’entendre, est, pour un mélomane croyant, une prière assurément portée jusqu’aux cieux. L’écouter et l’entendre, lorsque l’on n’est pas croyant, est un instant qui porte vers le doute et le désir d’admettre que Mozart pourrait être à lui seul, la preuve, le plus bel argument de la foi en Dieu.

Il existe des choses sur cette terre (je pense, allez, osons !) qui ne laissent plus de place au doute : Dieu existe. Affirmation agressive s’il en est, mais bon, il y a clairement lieu d’en débattre autour de diverses boissons et substances illicites.
Je disais donc, que l’une de ses manifestations est l’amour que nous portons au son, aux mélodies, aux rythmes, aux émotions. Son culte est la musique.

Les intégristes de mon pays adorent ce même Dieu unique, et pourtant, ont-ils été capable de lui rendre un hommage aussi éternel et surréaliste que celui d’être sa voix, ne serait-ce que le temps d’une composition ? A leurs yeux aveuglés par la tyrannie et la peur de la mort, le chant divin d’Amadeus est un blasphème, une déviation de la foi. L’hymne des infidèles et des non-croyants selon les mouvements les plus radicaux.
Mais, et pour paraphraser un philosophe mort (en fait tous les trucs tops à dire, les phrases qui marquent, ont été écrits et dits par des morts, enfin, là n'est pas le sujet), chacun porte ses sentiments et ses convictions là où la vie le mène.
Les miens me rapprochent de Mozart et de Dieu, le font vivre dans mes tympans, dans mon cœur, libérant mon âme.

Amadeus, dans une correspondance avec son père suite au décès de sa mère, affirmait -quel génie décidément- que, « comme la mort, il faut bien l'avouer, est le but final vers lequel nous courons, je remercie Dieu de m'avoir accordé la possibilité de comprendre que la mort est la clé qui nous ouvre la porte de la véritable béatitude. Je ne me couche jamais le soir sans me dire que, si jeune que je sois, j'ai peut-être vécu mon dernier jour. Et pourtant personne autour de moi ne peut dire que je me montre triste ou mécontent en sa compagnie. »

Il faut rendre justice à Amadeus : il a chanté la mort avant de l’avoir « immortalisée », sous la forme d’un océan de notes et de voix graves et aigues, jeunes et vieilles, une boîte à musique divine en offrande à une humanité désespérée de rencontrer son créateur.

" Son dernier souffle fut comme s'il voulait avec la bouche, imiter les timbales de son requiem, je l'entends encore " se souvient sa belle-sœur Sophie Haibel. Possédé par son génie, Amadeus le mortel a bel et bien été cet instrument de Dieu. Aujourd’hui mort mais nous pouvons tous, si chacun d’entre nous le souhaite du plus profond de son cœur, tel le Phœnix renaissant de ses cendres, le faire revenir à la vie, éternellement. Libre à nous de le faire revivre, selon nos envies.



Note : honnêtement, j’ai écouté n versions du Requiem, dont celle de Herbert Von Karajan, qui n’est pas mal, mais qui est loin d’atteindre le niveau de perfection du Requiem dirigé par Karl Bohm, dont je recommande vivement l’écoute afin d’apprécier ce chef d’œuvre à sa juste mesure. Nécessité de la lenteur pour le Requiem !

W. A. Mozart, Requiem KV 626, Wiener Philharmoniker, direction Karl Böhm (1971) ; CD Deutsche Grammophon 413553-2.