11 sept. 2006

Panaché


Cinq ans après, on va encore nous casser la tête à propos du 11 septembre. Je ne pense donc pas allumer ma télé aujourd'hui, trop risqué.
On va donc encore en débattre dans tous les sens, nous parler des pauvres pompiers new yorkais et policiers de Manhattan, abandonnant leurs packs de donuts pour être sacrifiés sur l'autel de la liberté, morts en voulant sauver -entre autres- de potentiels électeurs républicains qui, au vu de ce pour quoi et pour qui ils votent , ne méritent finalement que la souffrance et le malheur.

Là je viens -quasiment- de dire que le 11 septembre c'est bien fait pour leur gueule. C'est pas vrai. C'est terrible de dire ça, mais on est bien d'accord que notre monde est depuis cinq ans, plus violent et moins sûr, n'est ce pas? Que la liberté a été sacrifiée pour la sécurité? Un auteur américain s'interrogeait cette semaine sur l'incompatibilté des Droits de l'Homme avec les mesures anti-terroristes prises pas les pays "riches, c'est dire si les choses se dégradent. Ensuite c'est l'histoire de la poule. Qui a commencé? Sans même un 11 septembre, où en serait-on vraiment arrivé aujourd'hui? Je m'aventure un peu ici, parce que je reste convaincu que certaines forces auraient provoqué autre chose de similaire. Toujours dans le plus pur style newcon du "Plus c'est gros, plus ça passe".

J'imagine sinon qu'on va encore nous repasser une couche d'axe du mal contre axe du bien (vraiment quelle théorie et quelle vision des choses à la con!), nous ressortir l'Irak, l'Afghanistan et la super star du moment, l'Iran. Sans parler de nos amis "dont il ne faut pas parler" qui ont (j'estime) plus ou moins profité de l'impact du 11 septembre pour latter le Liban.

Donc je me lâche totalement, je choisis mon camp, parce qu'on nous somme de le faire.

C'est vrai quoi, pourquoi on devrait tous pleurer aujourd'hui pour des gros américains morts dans des tours et qui représentaient un système qui ne marche plus, un système à abattre , alors que ces mêmes américains ont laché des bombes atomiques sur des populations civiles, faisant plus de 100 000 morts. Rien que pour ça, on devrait respecter une minute de silence, toutes les heures et tous les jours, pendant un siècle. Ce qui éviterait aux hommes politiques américains d'ouvrir leurs grandes gueules.

Comme nos amis ricains, moi aussi j'aime faire des mélanges et amalgames pour tirer des conclusions hatives qui m'arrangent.
Je me suis dit que nous aussi on allait se faire plaisir, avec un petit panaché de célébration bordélique du 11 septembre.

Ca commence par les caricatures iraniennes anti Israel, ici. Voici sinon d'autres caricatures réalisée cette fois par des Israeliens, ici. C'est gratuit.

Ensuite, on peut aussi se relire la liste des interventions impérialistes américaines dans le monde, depuis 1846, c'est ici. Alors, c'est pas des gros enculés?

Sans parler évidemment du fait qu'il n'y a jamais eu d'avion sur le pentagone, que les USA sont dirigés par une organisation secrète, mais bon, c'est une autre histoire...

Tout ça pour dire quoi? Que dalle, sinon que les américains et israel, autant que les Islamistes et Al Qaida pourrissent la vie de toute notre planète; pas tous (il y a surement des islamistes et des gens cool aux USA ou en Israel LOL ), mais assez pour que ça me casse les couilles et que ça foute une ambiance de merde partout sur cette jolie planète.

Le Monde a bien changé et je me souviens d'une belle année :1992. Les JO de Barcelone, la Dream Team, les Nike Air Jordan, les reebok pump, les sweat capuche, les films d'Arnold Schwarzenegger, les premiers films de Jenna Jameson, le macdonald d'Ain Diab face à la mer, la game boy de Nintendo... De braves séries télé ( Madame est servie, Quoi de neuf Docteur, le Cosby Show) et j'en passe.

8 sept. 2006

En attendant la suite...

Yo! Je prends du retard sur la suite de la nouvelle. C'est normal, je suis en train de changer la chute.

En attendant, je propose méditation sur la citation suivante de Céline :


"Sachez avoir tort.
Le Monde est rempli de gens qui ont raison.
C'est pour celà qu'il écoeure."


5 sept. 2006

Traduction

Comment on dit "ZZA3TAR" en français?
C'est une fleur.

Nouvelle d'un monde possible Part IV

Il s’appelait Kiruna De Kermen et semblait réellement apprécier ma présence. Et moi la sienne. Rarement il m’a été donné de constater chez un homme des traits aussi parfaits. Son visage et son expression reflétaient une confiance en soi absolue, un peu à la manière d’un grand maître d’échecs annonçant une combinaison de mat létale, dégageant une aura dominatrice, recouvrant l’espace d’un doux nuage de confort et de paix, une projection physique de la force, de la vérité, sa vérité. Lui aussi semblait calculer une multitude de choses, plusieurs coups à l’avance pour chacune, et sans vous quitter de ses yeux gris-bleu, il souriait et vous parlait, sondant votre âme au plus profond d’elle même. Je repensais également à ce qui s’était produit quelques instants plus tôt, sa transition éclair de la position allongée à la station debout, grâce à une condition physique impressionnante (je m’amusais à l’imaginer en fana d’athlétisme ou de lutte gréco-romaine), et concluais que ce genre d’individu devait jouir d’une sacré côte auprès des femmes. Décidément, je le trouvai tout à fait sympathique. Au point d'admettre que quelque part sa présence me rassurait. Par ailleurs, je sentais que j’étais sur le point de vivre quelque chose de tout à fait d’exceptionnel. La beauté est dans les yeux de celui qui regarde, soit moi, Oscar avait vu vrai, et pour moi donc, l'indiscutable beauté de Kinruna incarnait mon espoir personnel de découvrir ce qui se cachait derrière tout ce mystère. Après cet journée pluvieuse, la lumière allait se faire, lentement.

Le plus dur avait été de franchir la distance nous séparant de l’entrée du garage. Comme nous n’avions aucun véhicule à garer, mes parents avaient transformé le garage en une sorte d’entrepôt multi références. Je savais donc parfaitement où dissimuler Kiruna suite à notre discrète intrusion dans la maison, soit tout au fond du garage, derrière des cartons de grande dimension, que l’on redisposa de manière à lui aménager une cachette de deux bons mètres cube. A présent à l’abri, j’essayai de le faire parler un peu. Il n’opposa aucune résistance.

- Ton père est sain et sauf. Tu pourras le retrouver dans très peu de temps.

- J’y compte bien. Sinon, vous êtes prévenu : j’appelle la police !

- Pour leur dire quoi ? Que tu as accueilli un sans abri ? Pour un fils d’écrivain, qui plus est celui du grand F. Kaufman, tu devrais avoir plus de suite dans les idées.

Il avait décidément calculé bien d’autres choses et je ne pouvais me permettre d’introduire le doute et la méfiance dans une atmosphère jusque là étrange c'est vrai, mais encore très détendue, imprégnée de confiance et de respect.
- Ecoute moi attentivement, reprit Kiruna. Les choses ne sont pas ce qu’elles semblent être. Ton esprit est encore trop étroit pour saisir toutes les subtilités de ce que je pourrais te dire. Pour y remédier, je te propose donc un petit jeu.

- D’accord, d’accord. Tout ce que vous voudrez. J’étais de toute façon disposé à accepter n’importe quoi pour obtenir des réponses.

- Le jeu que je te propose est des plus simples : tu as droit à trois questions. Pas une de plus. Les trois questions doivent être précises, indépendantes tout en menant à une conclusion commune, sinon, je ne répondrai à aucune des trois. Si je les accepte, tu sauras tout. Sinon, je repartirai d’où je suis venu et tu ne sauras rien. Rien du tout, jamais. Pour compliquer le tout, je ne peux répondre à tes questions que par oui ou par non.

- Mais c’est difficile, et complètement injuste, rétorquai-je.

- Qui a dit que ce monde était juste ? C’est comme ça ! Prends un petit moment et réfléchis-y un peu. Tu verras, tu y parviendras en moins de temps que tu ne le penses. Pour le moment, je vais dormir un peu. Je suis épuisé.

- Je suppose que tu ne quitteras pas ton « refuge ».

- Si ta question est « Est-ce que je serai là quand tu reviendras », la réponse est « Absolument ».

- Très bien. Je vais donc t’apporter quelque chose à boire. Tu aimes la cerise à l’eau ?

- Menthe, s’exclama-t-il.

- Il me reste six mille neuf cent quarante trois vœux à exaucer pour vous Maître ! Quel sera le prochain ?

- Au moins, tu as le sens de l’humour. Pour un futur écrivain, c’est rare. En général, ce genre de profession use psychologiquement, avant même de l’avoir réellement pratiquée. J’apprécie ta répartie. Tu es promis à un bel avenir. Crois moi !

- Comment savez-vous que je serai écrivain, M. De Kermen ?

- Là d’où je viens, mes amis m’appellent K.

- Vous ne répondez pas à ma question, insistai-je.

- C’est totalement volontaire. Reconstitue dans ta tête les derniers évènements de la journée, ce que tu as vu, ce que tu as entendu et dis. Ensuite, réfléchis un peu à notre petit jeu. Avant que tu ne partes, j'aimerai te récompenser. Je vais te révéler un indice, sous la forme d'une question si tu le permets : est-ce que tu aimes les voyages?

Copyright Kusodomo 2006

2 sept. 2006

Nouvelle d'un monde possible Part III

Le corps restait allongé sur le dos. Il semblait éreinté et à mes yeux hors d’état de nuire. Pour éclaircir un peu la situation, je devais m’approcher de lui, ce que je fis sans crainte car il m’y invitait : c’est du moins ce qu’exprimaient ses yeux. Par précaution, je demeurai tout de même à un mètre de lui, cette distance raisonnable me permettait de l’observer tout en ayant de l’ avance pour préparer une potentielle fuite vers la maison.

Je n’avais encore jamais vu pareil accoutrement : il portait un pantalon sans ceinture, vraisemblablement découpé à la va-vite dans de la toile de tente militaire usagée ainsi qu’un marcel collant rouge vif du plus mauvais goût. Sa coupe de cheveux me rappelait une série de croquis sur les coiffures de guerre iroquoises que j’avais pu lire à la bibliothèque. Ensuite, le corps laissa tomber sa tête en arrière et remarqua que je fixais ses chaussures avec insistance : il s’agissait d’un vulgaire aggloméré mono bloc de plastique bleu, le tout cousu sur une semelle parcourue d’énormes ressors jaunes transparents. Aucun lacet. Nous échangeâmes alors nos premiers mots :

- Elles sont vraiment top confort pour des casuals. En plus, c’est à fond la mode petit. De vraies shoes vintage que j’ai pécho sur Ebay. Elles te plaisent?

- Pardon ? J’étais étonné du langage qu’il utilisait. Peut être qu’il vient d’Amérique me dis je, ce qui pourrait expliquer ce comportement envahissant et ce terrible dialecte barbare.

- La mode ! C’est des Shox. Evidemment tu ne peux pas comprendre...

- Bien sûr que si, objectai-je avec force. Vous seriez étonné des choses que l’on peut apprendre dans les livres.

- Comme aider un homme en danger?

- Vous n’avez pas l’air de trop souffrir non plus. Au début je vous croyais mort.

- Il en faut bien plus pour tuer un homme, tu ne penses pas petit ?

- Vous aviez quand même l’air assez mal en point il y a un instant.

- J’ai surtout soif en réalité. Ce voyage m’a éreinté.

- Voyage ? Si vous faites référence à la branlée que vous a infligée la Brigade, oui, on peut aisément parler de voyage : un aller simple, direct dans la poussière !

Croyant avoir pris un peu d’ascendant, je levai la tête, fièrement. Il se redressa alors brusquement sur ses pieds, suite à une projection de ses jambes en avant catalysée par à un retour vif du bassin et du thorax vers l’avant, sûrement grâce à ses abdominaux. Il se tenait à présent debout, face à moi, et dans sa manoeuvre le mètre de distance raisonnable avait été avalé. Il sourit en pointant vaguement notre maison du doigt.

- C’est chez moi.

- Pourquoi n’irions nous pas chez toi, pour être à l’aise.

- Il est hors de question que vous mettiez les pieds chez moi. Mon père est sorti et ma mère prépare le souper dans la cuisine. La nervosité recommença à faire son effet.

- Elle n’est pas sortie avec ton père ? Il sourit en faisant la tête de ceux qui n’ignorent aucun secret.

- Je suis obligé de répondre ? Le corps debout commençait à devenir menaçant.

- Sacré gamin ! Je te demande juste de ne pas nous faire remarquer. Sois un peu plus discret je te prie !

- Je crois que je vais faire exactement le contraire. Où est mon père ? Je constatai que mes craintes ne s’étaient toujours pas dissipées. La nuit était claire, le danger de la pluie semblait repoussé, mais j’hurlais cependant : « Où est il ? Rendez moi mon père !»

- Un instant…Tu es le fils de M. Kaufman ? M. F. Kaufman ?

- Pourquoi c’est vous qui avez ma sucette ? Pourquoi la Brigade l’a-t-elle enlevé ? C’est à cause de son travail au Parti ? Je vous en supplie, dites moi la vérité. J’allais me mettre à pleurer, quand il posa un genou à terre et mit ses deux mains sur mes épaules.

- Arrête, je t’en prie. Je peux m’expliquer. Le corps avait une expression étrange sur le visage, celle d’un homme résigné, un homme qui en avait trop vu et qui voulait vider son sac. Oui, tout t’expliquer, reprit-il. Je crois bien que jusqu’ici personne n’a remarqué ma présence. Et c’est tant mieux.

- A part moi.

- Justement. Sois gentil avec moi et je te révèlerai tout ce que tu dois savoir.

- Tout ? C'est à dire?

- Je vais te répondre au sujet de ta sucette. Je sais également où se trouve M. Kaufman. Je sais aussi qui sont les Autres.

Copyright Kusodomo 2006

1 sept. 2006

Nouvelle d'un monde possible Part II

Le Parti était ce qui était arrivé de pire dans la vie de mon père. Mais pas à ses débuts, bien au contraire ; avec le temps, tout devient relatif, et, sentant que sa carrière d’écrivain ne s’avérait pas une source de revenus réguliers (encore moins un facteur de stabilité pour le nid familial), il décida à contre cœur d’ajouter son nom à la longue liste d’héros littéraires du Parti. Grâce à un ami d’université, il proposa ses services au Journal, qui décida de lui donner sa chance. Il avait choisi son nom d’auteur suite à un double constat : de tous temps, les auteurs qui marchaient le mieux avaient souvent un nom en trois parties et étaient massivement originaires de Pologne, d’Autriche ou encore d’Allemagne. J’étais dans le salon le jour où mon père annonça son choix à ma mère.

- Walter F. Kaufman !

- Chéri, tu n’es pas sérieux. Tu n’es même pas juif ! Tu devrais avoir honte. Ma mère semblait profondément outrée.

- Je crois sincèrement que les gens n’accorderont aucun crédit à Paul Boyd ou à Naguib Khayat. M. Kaufman par contre…

- Pff…

- Pff toi-même. Ce n’est pas à moi qu’il faut en vouloir. Mais plutôt aux Autres.

- Ah oui ? Et pourquoi donc, cher Monsieur Kaufman ?

- Parce que c’est ainsi que fonctionne leur monde. Notre monde. Les temps ont changé. Irrémédiablement. Je dois à présent faire des choix intelligents, sinon on ne mangera jamais à notre faim, notre fils ne s’habillera pas décemment, pas d’eau propre, pas de savon, pas de dentifrice, caries, maladies, et tutti quanti. Et je t’en prie Chérie, c’est M. F. Kaufman.

- Tu dis vraiment n’im-por-te-quoi. Ma mère aimait décomposer les mots pour leur donner du poids. Et puis, je ne te connaissais pas aussi arrogant.

- Ce n’est pas de l’arrogance. Je suis réaliste, c’est tout. Ultra réaliste.

- Comme quand tu proclames que plus de 95% de la population a un QI à deux chiffres ?

- Exactement. Le Parti a annoncé une légère hausse: 97% depuis ce matin…

- Je préfèrerais que tu évites ce genre de propos au Journal. Le Parti est complètement infiltré, et tu sais bien ce qui arrive à ceux qui se croient supérieurs aux Autres…

- Je sais. C’est pour ça que je n’écris rien sur le réel. Tu dois respecter mon choix. Je ferai en sorte que les lecteurs n’en sachent jamais rien.

- Une fois que tu seras connu, et je te l’espère du fond du cœur, il est évidemment hors de question que tu me présentes à tes confrères et lecteurs comme Madame F. Kaufman.

- Si les circonstances m’y obligent, je le ferai, oui.

Instantanément, ma mère déploya son bras droit, et d’un mouvement latéral, envoya une pile de vaisselle sale se briser dans l’évier. Je me risquais rarement à intervenir dans ce genre de disputes, je me contentais simplement de les regarder ensuite se taquiner pour se réconcilier. J’observais la scène avec amusement, tout en repensant à ce que m’avait confié un jour mon père au sujet des femmes. L’hystérie féminine demeurait selon lui un tel mystère que même l'Académie de Médecine n'avait pu le résoudre.

M. F. Kaufman aurait donc l’immense privilège d’imaginer un monde fantastique pour son lectorat, un monde virtuel en décalage total par rapport aux productions des autres auteurs du Journal, plus enclins à gaspiller des litres et des litres d’encre noire pour la seule gloire du Parti, amplifiant les succès politiques de ses guides, alimentant la psychose du peuple et la haine des Autres. Disposant initialement d’une seule colonne dans la page « Nouvelles et Fiction », le Journal y fit paraître sa première nouvelle, intitulée « La providence », relatant l’histoire de deux enfants, une fillette de huit ans et son petit frère de cinq ans, longuement pourchassés par un ours affamé dans une forêt du comté, puis sauvés in extremis par un miracle spatio-temporel. Perchés sur les branches d’un platane, les deux gamins, épuisés par leur fuite, hurlaient au secours tandis que l’ours entamait son attaque en escaladant l’arbre à l’aide de ses puissantes pattes. Soudainement, une lumière jaillit au dessus de leurs têtes, laissant le ciel s’ouvrir pour en faire chuter dans un sifflement aigu une énorme enclume Black&Smith en plein sur la gueule de la bête. Saignant à flots et les os de sa mâchoire complètement brisés, la bête repartit vers sa caverne, hurlant de douleur.

Cette nouvelle connut un succès fulgurant. Critiques et lecteurs saluèrent ce conte d’un genre nouveau, soulignant que non seulement la scène était décrite avec un réalisme captivant, mais surtout que la chute de l’enclume symbolisait la préférence pour l’Homme d’une force supérieure et bienveillante, une force qui se rangeait finalement aux côtés du Parti pour lutter contre les Autres. Nous étions alors en 1911, les temps consacraient le génie de mon père et notre nid savourait sa nouvelle vie.

Le Journal s’empara immédiatement du succès de M. F. Kaufman, lui proposant de signer un contrat à vie. Il accepta sans même réfléchir aux répercussions d’un tel engagement. Le reste de la page « Nouvelle et Fiction » allait bientôt lui être entièrement consacré, et il honora le choix du Journal par une remarquable série de fiction relatant les faits d’une brigade de Police assez inédite. Cette brigade était en outre constituée d’êtres venus du futur et était spécialisée dans la résolution d’affaires de crimes dits « Crimes de la Matière Grise », enlevant intellectuels et citoyens populaires pour leur faire subir de pénibles expériences en laboratoire, avant de les relâcher dans la nature comme si de rien n’était.

La fiction se transformait à présent et sous mes yeux en une réalité insoutenable. Le véhicule de la brigade était bien réel et au fur et à mesure que la voiture de police s’éloignait, des fils blancs de lumière se multipliaient dans le ciel, perçant les nuages pour faire renaître l’espoir. Pourtant, il faisait nuit noire quelques instants auparavant, une nuit d’effroi amplifié par cette satanée pluie compacte. Je ne m’en suis pas rendu compte sur le moment, mon esprit était happé par une reconstitution au ralenti du corps tombant du véhicule, la pluie s’amenuisait, et à bien y regarder, le corps semblait remuer. Effrayé, je poussai brusquement un cri : le corps s’était à présent retourné sur le dos. Que peut bien faire un gamin de douze ans dans pareille situation sinon crier au secours ? Seulement voilà, au lieu d’un cri, ma bouche resta grande ouverte sans qu’aucun son ne puisse s’en échapper. Le corps ne me sembla pas familier, ce ne pouvait être mon père, cet homme semblait bien plus grand et bien plus robuste. Le corps essayait d’entrer en contact avec moi, mais à cause de ma propre respiration, je n’entendis rien. Il leva alors un bras, me pointa du doigt puis me fit signe de la main. J’avançais tout de même, je me trouvai à présent à moins de trente mètres du corps qui voulait, je le comprenais, que je m’approche encore plus. De son autre main, il se mit à fouiller dans sa poche, et en sortit ce que je crus être un bout de papier. Il le jeta dans ma direction. Le vent fit le reste du travail et le petit papier arriva à mes pieds, je me penchai pour le ramasser. Je pus lire : « Chupa Chups Pomme. Made in Spain. Exp. Date : 11.09.2066 ».




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