29 nov. 2006

Moonwalker

Je viens d’entrer dans un club ultra select. Un club, où le corps et l’esprit ne font plus qu’un, dans le but ultime de créer l’illusion. Chers tous, j’ai le privilège de vous annoncer que je sais faire le moonwalk. Je le rentre systématiquement à présent. Pour de vrai. L’entraînement, y a rien à dire, ça paie.

Astuces : j’ai d’abord commencé par me détendre, en fumant un petit quelque chose de Tennessee. Ensuite, il s’agissait de dissocier les différents mouvements, que j’ai ensuite notés. Etape suivante et essentielle, il fallait reconstituer la chaîne de mouvements avec les mains, puis avec mes mains en reculant, puis au ralenti avec les pieds, puis à vitesse réelle en regardant les pieds, puis sans regarder. Maintenant c’est la maîtrise ou « das funkmeister die fatayendegung »

Hier soir, j’en ai placé quatre, dont un ENORME, au super marché (ok, c'est bizarre, mais le sol était tellement glissant, surtout du côté PQ et articles de bain, que c'était impossible de résister). J’alimentais mon caddie en jus d’orange quand mon esprit me commanda d’aller chercher du lait pour le petit déj, trois rayons derrière. Aucun problème, j’ai tracé en moonwalk jusqu’au rayon frais. Un responsable rayon a applaudi, un autre a levé son pouce, le mec en charge de la pesée des fruits et légumes m’a agressé de questions sur Michael Jackson, sans parler des testeuses de produits Nivea, presque sexy mais décidement trop grasses, qui riaient en dissimulant leurs bouches. Un gosse de huit-neuf ans m’a même demandé comment je faisais et a insisté pour lui montrer. Sauf qu’il était en basket, et que la politique de la maison en ce moment c’ est « chacun sa merde , personne ne me l’a appris donc il se démerde". Au moment où cette pensée négative forçait un sourire sur mon visage, sa maman, la quarantaine, body noir moulant et jogging speedo blanc, m’aborda sec. Elle me souriait carrément et pour citer un auteur contemporain, son visage criait braguette. Elle posa une main sur l’épaule de son fils : « Ryan, va me chercher des tomates. Prends en un kilo. Elle se tourna ensuite vers moi, et la jeune maman au sex appeal radical me lança :

- Pas mal du tout cette petite danse !

- Ça s’appelle un moonwalk.

- Je crois que je t’ai déjà aperçu, à Moving. Non?

- C’est tout à fait vrai.

- Je n'oublie jamais un visage. Comment t'appelles -tu?

- Moi c’est *****, Madame ?

- Mademoiselle, Mademoiselle Berrada. Tu peux m’appeler Hind.

- Et bien, Joyeux thanksgiving Hind !

Elle se mit à rire, très fort mais très classe, tout en cherchant quelque chose dans son sac. Elle en sortit un stylo et un papier, qu’elle me tendit.

- T’as vraiment l’air sympa. Allez, note-moi tes coordonnées. Tu n’aurais pas MSN, par hasard ?

- Si si, et outlook, skype et gmail aussi. J’ai même un blog. Mais j’ai surtout un téléphone portable que je n’éteins jamais, sauf quand je fais dodo. Voilà, j'ai tout noté, mais c’est pour quoi faire mon numéro ?

- J’aimerais te revoir. Tu pourrais éventuellement passer à la maison, prendre le goûter, et apprendre ta danse à Ryan.

- Le moonwalk tu veux dire ?

- Appelle-le comme tu veux, ça m'est égal. Tiens, voilà ma carte. Jeudi, c’est bon pour toi ?

- Euh, je ne sais vraiment pas quoi te répondre. En fait, jeudi soir c’est soirée foot avec les amis. Je suis de Casa et je fais du networking sur Rabat, pour mon boulot. Je suis un peu gêné de dire non.

- Je vois. Ou alors on se fait un goûter rapide, tu joues un peu avec Ryan et ensuite je pourrais t’apprendre deux ou trois petites choses en échange du moonwalk. Alors, qu'est-ce t'en penses?

- OK. Alors on se dit à jeudi. Je t'appelle avant?

- Non, MSN si tu te connectes. OK?

- Non je ne pense pas, donc, à jeudi.»

En sortant du super marché, et j’en ai quand même placé un petit sur l’escalator, effet speed moonwalk, en attendant d'en placer deux ou trois chez Mademoiselle Berrada après le goûter.