28 nov. 2008

L'indécence

« On a eu beaucoup de choses hier: Bombay, l'annulation unilatérale du sommet par les Chinois, la prise d'otage d'Egreteau [...] enfin voilà, un planning chargé quoi! On ne sait vraiment plus où donner de la tête ! »
Fin de citation.
Le public du Grand Journal de Canal+ applaudit. Car Bernard Kouchner avait tout de même réussi à libérer plus d'une heure trente pour aider un ami de trente ans à vendre une improbable biographie qui lui est consacrée.
Je trouve ça tout simplement indécent, scandaleux même.
Comment se fait-il qu'un ministre en poste puisse faire la promo d'un livre, dont il est certes le personnage principal, sans l'avoir même écrit, alors que les derniers développements de l'actualité internationale constituent les 2/3 de l'agenda politique du Président de l'Union Européenne? Quel message envoie-t-on aux gens?
Depuis quand un mandat ministériel donne-t-il le droit de polluer les plateaux et les écrans de télévision dans un pur but mercantile?
Personne ne songe à dénoncer de telles dérives, je pose alors la question suivante: à quoi servent les journalistes? Et bien, c'est évident: à caresser dans le sens du poil! Aucun commentaire sur le contenu du livre, aucune critique sur le style. On est face à l'intouchable, on commente le livre à l'aide d'images de Kouchner avec des enfants noirs et des leaders kurdes. Des photos qui datent de 1991 et de 1987.
Après les éloges des passeurs de plats, Ali Baddou saisissait le moment en offrant à Kouchner deux livres de claude Levi-Strauss

Aujourd’hui, Claude Levi-Strauss a 100 ans. Je le citais respectueusement sur un de mes premiers posts sur le blog. Quand je lisais Tristes Tropiques, je prenais soin d’avaler un cachet d’aspirine avant de prendre le livre en main : un flot continu de développements intellectuels progressifs, de plus en plus complexes, de plus en plus logiques, irradiant d’intelligence, illuminant ma petite cervelle de lecteur. Un livre qui ôte l’envie d’écrire quoi que ce soit. Une œuvre qui rend humble. En le lisant, j’avais l’impression d’être minable. J'étais à milles lieues - et le suis encore malheureusement- de saisir les tenants et aboutissants du structuralisme selon Levi-Strauss

« Je suis juif quand je veux », déclarait Kouchner sur le plateau télé hier soir. Répondant à Denisot qui lui demandait ce que cela voulait dire, Kouchner répondit d’un air tragique, dramatique : « Je suis juif contre l’oppression. Vous savez, je suis contre l’oppression des peuples, enfin, d’UN peuple ! Et c’est toujours le même qui se fait opprimer. Alors je suis juif quand on l’opprime. »
Merveille de logique intellectuelle, n’est ce pas ?
Ultime tentative futile s’inscrivant dans un processus nouveau de re-judéisation des masses…
Jusqu’où va-t-on descendre bordel de merde ?

Claude Levi-Strauss est juif lui aussi. Il écrit même : « …nous étions juif pour permettre à mon grand-père de sauver la face devant ses amis, mais une fois qu’il avait le dos tourné, nos mères nous gavaient de jambon-beurre […] qu’est ce qu’on en a ingurgités de ces inoubliables jambons malagaches… ». Et il ajoutait même : « si par religion vous entendez un rapport avec un Dieu personnel, jamais. »
Levi-Strauss avait fait sa barmitzvah pour ne pas peiner son grand –père. Sa propre condition religieuse relavant plutôt de Rousseau et des lumières, il s’était totalement laïcisé et rejetait toute forme d’engagement envers Israël.
Sa pensée émancipée l’y avait naturellement conduit et l’avait intuitivement guidé vers sa propre vérité. Dommage alors que ses écrits soient si difficiles d’accès, ses lecteurs devant s’armer de patience avant de pouvoir goûter à la puissance intellectuelle du génie du siècle.

Par contre pour la soupe nouvelle à la sauce Kouchner, le misérabilisme intellectuel et le défaut de conceptualisation, c’est 20 euros dans tous les supermarchés près de chez vous. Il reste encore un peu de place sur les étalages pour cette énième manifestation des dérives de la société consumériste.