27 janv. 2009

La simplification

Du temps où j'étais encore conseiller ministériel, la simplification était notre crédo. Le gap intellectuel entre les cadors de la bonne gouvernance, soit les instigateurs de méta stratégies nationales, et leurs vis-à-vis (élus, parlement, conseils municipaux, préfets, walis, groupements professionnels, le patronat, les impôts, le budget, les finances, les Domaines, etc.), faisait qu'il nous incombait de diluer notre réflexion dans le but de faire adhérer.
Et d'avancer.

Comment synthétiser proprement 800 slides rédigés à quatre mains par le Cabinet d'un Ministre et McKinsey pour convaincre des élus d'associations professionnelles du bien fondé de leur approche?
Comment faire comprendre à tous les échelons d'une même branche d'activité que l'Etat ne misera plus un centime sur elle car aucun couple produit/marché efficient ne permet de garantir sa survie?
Comment intéresser les médias à prendre parti pour les gouvernants en évitant de leur offrir le bâton pour se faire taper sur la tête en conférence de presse?
Comment convaincre la presse de prêcher pour la paroisse d'un gouvernement? Les dépêches Reuters, MAP ou AFP? Certainement.
Il exite n exemples pour illustrer la motivation de recourir à la simplification.

Je me mets alors deux secondes à la place des conseillers d'Obama et saisis l'occasion offerte par l'actualité du jour: la "main tendue au Monde Musulman".
Brillante formule, n'est-ce pas? Il s'agit pourtant de la simplification dans toute sa splendeur.
Car ce monde dont il parle, il n'existe pas. Nul besoin de spécifier les divergences des différents courants de l'Islam, pas besoin non plus de préciser qu'Obama n'est que le Président des EU, et non celui du Monde...Non! Qui tend la main? L'Occident? Quel occident? Les EU, l'Europe et Israël? Ou les EU uniquement? Quelle est la configuration de cette manœuvre? Est-ce un acte final de désespoir? La proposition ultime de la dernière chance? Parce que c'est gros comme une maison: si la main tendue mène à l'échec, l'opinion publique mondiale, victime de la simplification, sera menée au constat suivant: le "Monde Musulman" n'a pas su saisir cette chance historique!

Le leader de l'Occident doit faire passer un message, condensé, compressé, simplifié, consommable sur le champ, de la pensée jetable, mais en coulisse, lui seul et quelques uns de ses collaborateurs savent de quoi il en retourne réellement. Le citoyen lambda du Monde ignore les tenants et aboutissants d'une telle formule.
Elle sonne comme un nom de code, le titre d'un programme.

Il est naïf et inconscient de croire qu'une telle formule est issue du néant. Les hommes politiques ne font pas les choses à moitié. Ils simplifient, en façade, mais derrière, le rouleau compresseur de la pensée de la gouvernance, bonne ou mauvaise, ne s'arrête pas, il déroule.

Il est sidérant de croire un instant que le salut peut venir d'un "entraineur", et non pas des principaux intéressés eux-mêmes, les acteurs, les joueurs. La problématique du "Monde Musulman" est humaine, sociale, démographique, anthropologique, sanitaire, économique, financière, politique, militaire, écologique, mais aussi, bien évidemment, religieuse.

Je soulève donc une question légitime, mais en somme toute simple: comment Obama et les siens, malgré leurs efforts louables de simplification, vont procéder pour réussir là où les élus de tous les pays du "Monde Musulman", ainsi que leurs peuples, se mélangent les pédales depuis plus de 60 ans?
La nature ne fait pas les choses au hasard: elle les fait à son rythme, elle prend son temps. Peut être que la situation du "Monde Musulman" s'arrangera d'elle même, même si en réalité j'en doute. Mais Obama est le chantre du volontarisme. Être volontariste finalement, c'est aller contre la nature et d'accélérer le rythme. De ce fait, le contenu détaillé de la proposition d'Obama sur la problématique peut se révéler intéressant.