17 mars 2006

Le son qui met la pression


Dans son sens moderne, le plus couramment utilisé, l'Art est considéré comme une pratique en vue de la production d'œuvres susceptibles d'exprimer un idéal moral, métaphysique et esthétique.
La musique au même titre que la sculpture ou la peinture correspond à cette définition.
C'est à cette définition que correspond le mot artiste.

Il existe bien évidemment n définitions de l’Art.
J’en retiens une particulièrement intéressante, la plus polémique - pour lancer le débat sur ce post- celle que proposait Oscar Wilde dans sa préface au Portrait de Dorian Gray :
« Tout Art est inutile ».

A travers cette phrase courte et absolument catégorique, Wilde réfute l’idée qu’une œuvre d’Art ait une fonction, qu’elle soit utile à l’expression de l’individu, qu’elle soit envisagée comme une source d’enseignement ou encore qu’elle soit considérée comme porteuse d’un jugement moral qui puisse être bénéfique à la société.

En outre et sans rentrer dans les détails, Wilde nous explique que l’Art n’a pas pour finalité suprême d’être monnayable.

De nombreux artistes et auteurs ont considéré l’Art comme une pratique utile qui peut être avant tout mise au service de l’artiste lui-même. Et c’est d’autant plus flagrant en 2006.

Quand on sait que le chiffre d’affaires de l’industrie du disque atteint 230 millions d’euros pour la France, 18 milliards de dollars pour toute la planète en 2005, on peut faire le constat suivant : l’art sert surtout à engranger la bombe de thunes.

L’OMS a proposé un budget annuel pour la région africaine.

Le chiffre ? 945 millions de dollars. Peanuts. Ci-contre, un enfant africain pleurant de faim.

Mon père est médecin. Il lui est arrivé de sauver des vies, directement ou non n’est pas la question. Il a longtemps perçu un simple salaire de médecin marocain de la CNSS. J’imagine qu’à son top, il devait culminer à 5 plaques par mois, grand max.

A titre comparatif, Master P, grand producteur de RAP US, a une fortune estimée à 361 millions de dollars, dont 60 millions pour la seule année 1998.

C’est le monde dans lequel on vit aujourd’hui.Tu sauves des vies en trimant tu roules en Peugeot. Tu fais le bouffon devant un micro, t’es millionnaire en Range Rover Sport.

Alors voilà : oui je suis prêt à payer un CD 24,99 euros. Mais cet argent, je ne le donnerais qu’à un commercial pur, honnête envers lui-même et envers le monde, et non à un artiste, parce que les artistes en 2006 n’ont plus les mêmes motivations qu’à la Renaissance ou au Moyen Age et sans aller plus loin, années 60 et limite 70.

Du moment que tu vends, t’es pas un artiste, t’es un business man. Chapeau à des gars comme Prince ou JJ Goldman qui jouent le jeu en admettant ouvertement être de puissants money makers.

Les arguments des majors et des artistes pour lutter contre le téléchargement, c’est justement qu’ils ont des droits d’artistes à protéger. Mais de quoi on parle putain ? C’est quoi ce monde de merde ? Je vais continuer à fièrement downloader comme un gros porc, et si certains trucs me plaisent, j’irai les acheter au prix coûtant quand j’aurais l’argent pour, et basta.

De toute façon, il est trop tard. Le téléchargement illégal règne déjà en maître sur le monde. Il permet en outre à de jeunes artistes totalement inconnus de percer. C’est déjà une grande avancée.

La situation actuelle est donc un juste retour de bâton dans la gueule des majors qui ont engrangé du fric dans des proportions indécentes, tout en imposant de la musique formatée pour les supermarchés, une musique merdique, inécoutable, commerciale.