21 déc. 2006

L'année des grandes gueules

2006 est une année inoubliable. Pas autant que 2001 et son inégalable 9eleven ; je suis tenté de réviser mon jugement quand je repense à l’été 1992, aux JO de Barcelone, à l’Expo Universelle de Séville, ou à Todd Mc Farlane fraîchement débarqué chez Marvel pour nous pondre une saga Spiderman d’anthologie… En tout cas, 2006 aura plus marqué les mémoires que 2005, mais est-ce le cas pour tous? Considérons que les degrés de perception des évènements varient d’une personne à une autre, que le temps passe de plus en plus vite tout en altérant la prise de recul, que le cerveau retient par défaut plus d’informations négatives que positives : que retiendra alors in fine l’immense majorité du peuple, de plus en plus friand d’infos choc, de « têtes de ligne » happées à la va-vite le matin en un click sur les brèves de Mozilla ou a contrario en feuilletant longuement le Monde, le Figaro ou le Matin du Sahara ?

Il est indéniable que sur le strict plan médiatique, cette année nous a offert des évènements et sorties médiatiques spectaculaires, des écrits et des discours au vitriol, le tout débouchant systématiquement sur de larges mais vaines confrontations, multidimensionnelles certes, mais à impact quasi nul car épuisantes, et clairement improductives. Parmi les principales bourdes de l’année, on peut citer celles de Benoît XVI - l’Islam manque de raison-, Georges Frêche – trop de blacks en équipe de France tue la France- , Raphaël Confiant – le fond du problème communautaire est simple : les blancs européens de souche vouent une haine naturelle aux noirs, aux arabes et même aux juifs -, Robert Redecker – il faut chasser l’Islam d’Europe, le Fascisme Vert doit être combattu-, Pascal Sevran – il faut couper la bite des noirs pour sauver l’Afrique – et pour finir cette sélection, la récente révélation/lapsus d’Ehud Olmert – Israël a la bombe, ne venez pas nous les casser sinon c’est la guerre-. Voilà, on aurait aussi bien pu citer le coup de tête de Zinedine Zidane, (coupable selon moi d’avoir fait perdre la Finale à la France), les divers dérapages de Finkelkraut, etc. Le point commun de ces bourdes, amplifié par celle de Zidane, bourde mondiale par excellence, réside dans leur aspect volontaire et prémédité.

Ce qui se révèle intéressant alors dans ce marasme, c’est le ballet de pirouettes donné en représentation suite à toutes ces bourdes par leurs auteurs. Deux cas se distinguent nettement : d’une part le Live, où le public juge un fait (une image et du son !) en direct, et la retranscription en différé des propos tenus par le dindon concerné. Le second cas fait beaucoup plus de dégâts. Par contre, une seule solution semble convenir dans les deux situations, solution testée tout au long de cette magnifique année 2006 : quand l’homme médiatique déconne, il nie, en toute simplicité, directement, ou par l’intermédiaire d’un porte parole, en affirmant que ses propos ont été déformés voire mal interprétés. Cependant, il n’est jamais question d’excuses, ou parfois alors, de simples regrets sont relayés par voie de presse. Dans le cas de Zidane, on a même eu droit à la confession live sur Canal - il a insulté ma mère, j’ai pas supporté, je l’ai frappé…pardon ? 73,6% des sondés applaudissent mon geste ? Chirac me soutient aussi ? Ben on s’en fout alors ! – c’est dire si le peuple suit de près ce genre d’affaire. Je me souviens enfin d’un billet de Laurent Ghilsheimer disculpant ces grandes gueules, sous prétexte que parfois, l’esprit s’emballe, que les propos et gestes les plus vrais fusent naturellement et sont donc exempts de toute critique ou d’accusation. C’est vrai quoi, les gens qui passent leur temps à s’excuser finissent toujours derniers, c’est bien connu. L’ensemble des bourdes citées plus haut et les réactions en découlant ne font que polluer les esprits en lançant de fausses polémiques qui assassinent le vrai débat.


Pour finir en beauté, revenons au pauvre pays qui est le mien, le Maroc : la bourde majeure pour cette année demeure l’affaire des GUS, dissous – la police de proximité est un échec- puis magiquement restaurés – la police de proximité manque aux citoyens marocains-, bourde heureusement non relayée massivement par les médias locaux, à l’inverse de la bourde essentielle : l’annonce par Al Adl Wa Al Ihssane de la fin du régime en 2006. On n’a pas fini d’en rire. La ferme ! Et vivement 2007.