21 janv. 2008

Chroniques du weekend noir, 2023


1- Propos recueillis par A.M. Alaoui auprès de Mme R. Levy, locataire à l'immeuble Taha Houcine
Jeudi 19 janvier 2023
Abdelmoumen
Casablanca


"... Avant que la journée ne s'achève, des bandes de voleurs s'étaient mêlées à la foule et avaient pris part au désordre général, afin de récolter les fruits du pillage. (...) Tandis que les émeutiers démolissaient une rangée entière de maisons et d'immeubles sur le Boulevard Abdelmoumen, un détachement de forces auxiliaires, fort d'une centaine d'hommes armés de matraques et de MP5 chargées à blanc, fut envoyé sur place avec mission de mettre fin aux désordres. Avertis de la venue des militaires, les émeutiers arrachèrent les rails de la ligne de tramways du Boulevard Zerktouni, si bien que les membres des forces auxiliaires se virent contraints d'abandonner leur char à hauteur du Quartier des Fleurs, où plusieurs milliers d'hommes, de femmes et d'enfants les attendaient de pied ferme. Tout en avançant, les forces auxiliaires déchargèrent leurs cartouches à blanc en direction des émeutiers qui se ruèrent aussitôt sur eux, les séparèrent les uns des autres, prirent possession de leurs armes, jetèrent les hommes au sol et les piétinèrent, les rouèrent de coups de bâtons et rirent de leur impuissance. (...) Plusieurs militaires furent tués, et les autres s'y firent tous battre comme des oeufs montés en neige."



2- Extrait des minutes de la réunion des services internes de la Sûreté Nationale
Vendredi 19 janvier 2023
A. Aboulghali
Commissaire Divisionnaire de la DST, détaché à la Préfecture de Police de Rabat Boulevard de la Victoire (Annasr) Rabat


" (...) A dater de cet instant, l'état d'esprit des émeutiers changea. Ce n'était plus uniquement à la simple résistance qu'ils pensaient: l'attaque était devenue leur mot d'ordre. Chers collègues, l'heure est grave."



3-
Propos recueillis par A.M. Alaoui auprès de M. Hani El Moutawwakil (ex-propriétaire du terrain vague occupé jadis par les bidonvillois de Sidi Ghanem)
Samedi 21 janvier 2023
Zone industrielle de Sidi Ghanem, Marrakech


" Je n'ai jamais vu autant de haine et de sang s'engouffrer avec autant de facilité dans nos vies et dans nos rues. Parfois, il arrive que la réalité dépasse la fiction, qui devient alors un simple cauchemar. La foule était animée d'une rage particulière envers les asiatiques. Vers 18h, les restaurants et hôtels qui employaient des gens de ladite race furent pris d'assaut par les émeutiers, qui brisèrent leurs vitrines, démolirent leur mobilier, en malmenèrent les clients et tentèrent de tuer leurs employés en fuite. La vie de toute personne blanche ou jaune était en danger. Dans l'après-midi de cette journée - un samedi - la foule attaqua et incendia le Club Med Al Madina, bâtisse solide et d'aspect cossu édifiée autour de 1968. au sud est de la place Jamâa Al Fnaa. Vers la même heure, et aux dires de mon cousin colonel à l'armée de l'air, une attaque fut lancée contre le dépôt d'armements de Ben Guerir, l'objectif étant de s'approprier les MP5 et autres AK Beita Spetsnaz que le gouvernement était censé y avoir entreposés. Le détachement de militaires qui y avait été stationné pour empêcher sa prise d'assaut succomba sous le nombre et se vit contraint à la débandade; le bâtiment principal s'enflamma et ne tarda pas à s'effondrer, ne laissant qu'un amas de ruines calcinées."



4- Notes personnelles de M. Jean-Luc Revel, retrouvées à son domicile au Quartier Racine quelques heures après l'annonce de son décès par la police locale
Documents datés du dimanche 2 février 2023
Maârif, Casablanca


" Hormis les témoignages que j'ai pu recueillir - notamment auprès de M. Alaloui, un ami à la fois journaliste et agent double pour le compte de l'Algérie- l'histoire pourra également retenir des désordres qui éclatèrent dans divers lieux de la ville, partant de l'Avenue Royale pour gagner Moulay Youssef à l'est, montant jusqu'au Hay Mohammadi au nord, et descendant jusqu'à l'Oulfa au sud. Lors de ces journées, le commerce avait cessé dans pratiquement toute la ville. Les trains et même les concepts de néo-bus "Tobis" avaient suspendu leur circulation, les magasins du Triangle d'Or et des autres quartiers chics du centre-ville avaient baissé leurs rideaux, et des bandes de rôdeurs en quête de clash et de sang makhzanien rendaient les rues dangereuses, impraticables, mortelles. Le nombre d'émeutiers tués par la police et l'armée est resté inconnu, mais il devrait se situer entre quatre et cinq mille victimes. Le nombre d'individus tués par la foule déchaînée s'éleva à cent cinquante huit, dont trente neuf touristes, douze asiatiques et neuf belges. Le nombre de bâtiments incendiés par les émeutiers entre le jeudi et le samedi matin avait été d'une bonne cinquantaine, et elle avait inclus, outre le Club Med de Marrakech, sept commissariats (Kénitra, Fès, Tanger et Dakhla), l'immeuble regroupant les bureaux du patronat et un pâté de maisons entier du C.I.L. à Casablanca. Je ne cite même pas le nombre de véhicule incendiés (...) La valeur totale des biens dérobés ou détruits s'élevait (estimation Fox Money) à plus de huit milliards six cent millions dirhams."



5- Coupure de presse de l'hebdomadaire "Enflure Mag", daté du dimanche 3 février 2023

" M. F., qui parle sous couvert d'anonymat, craignant pour sa vie, estime à juste titre que ces évènements sont dûs à la pression continue de l'Europe sur le Maroc pour l'arrêt total et définitif de la culture de canabis dans le Rif.
Pressions ayant débouché il y a deux semaines de celà (le vendredi 6 janvier) sur un décret interdisant la culture, la vente ainsi que la consommation de résine de canabis ou tout autre dérivé du kif."