22 févr. 2006

J'aimes les rousses

Je l'avais rencontrée dans le métro, en début de soirée. Le wagon où nous étions était quasiment vide. Elle était assise en face de moi, sur un strapontin. Belle rousse aux yeux bleus, look Burburry. Sa peau, magnifiquement rose, est saupoudrée de taches de rousseurs, petites et rondes. Aléatoirement réparties sur son visage, ces tâches m’intriguent depuis toujours.

J’engage alors la conversation :

" - C’est dommage que l’on soit coincé dans ce métro, je suis certain que la lumière du jour doit décupler votre beauté Milady, je parle d’une voix basse, mais mon regard lui fait comprendre que c’est à elle que je m’adresse. Elle me répond sur un ton que je n’apprécie guère :

- Pff…non mais ça va, tu crois quoi là espèce de caillera ? "

Je ne m’attendais pas à une contre-attaque aussi agressive. Milady la rousse rouspète. Ce genre de réaction amplifie mon excitation.

" - Je m’excuse Milady, je voulais juste vous flatter pour mieux vous surprendre. Je suis particulièrement attiré par les rousses aux yeux bleus. Et vous me plaisez. Beaucoup."

Vraiment mignonne cette rousse.

Son regard changea brusquement. Peut être a-t-elle compris où je voulais en venir. Les gens sentent ce genre de choses.
"- Je m’excuse de t’avoir traité de caillera. T'as vraiment pas l'air d'une caillera en plus. Désolée."

Je bondis alors de mon siège pour m’installer sur le strapontin collé au sien. Assis ainsi, si près d’elle, je peux sentir ses cheveux roux, m’amuser à lui effleurer sa main. J’aime bien. Elle réalise finalement que je suis assez mignon, que je sens Egoiste Platinum, que je suis un des siens. Soulagée, elle reprend alors tout sourire :

" - En général, personne ne me drague jamais dans le métro, donc voilà. Et en plus je suis seule, donc pas en confiance, tu comprends ?

- J’adore quand tu me tutoies. J'aime ta voix."

Vraiment mignonne cette rousse.

A présent, elle me fixe droit dans les yeux. Probablement pour me sonder avant de me
répondre. Plus on regarde quelque chose de près, moins on la comprend. Une petite grimace apparait sur sa face, rapidement chassée par un début de sourire, un soupir en fait.

"- Hmm...Vraiment ? Et bien, je ne sais pas quoi dire. Je suis génée."

Je la tiens, la pauvre, en même temps, les filles d’ici sont si faciles à berner. Elle continue :

"- Je ne suis pas comme ça d’habitude. Je pensais à un truc stressant c'est pour ça.

- Tu sais, tu es conditionnée pour penser et dire un certain nombre de choses, et moi pareil. Ce qui pourrait expliquer ta réaction. Mais je ne t’en veux pas. Tu as l’air d’être une fille sublime. J’ai l’impression d’avoir déjà fait cette rencontre, en rêve. Ca ne t’arrive jamais ?" Elle rougit.

Sa réponse en substance était de dire qu'elle ne croyait pas en la destinée, encore moins en la fatalité. Le blabla du Cosmopolitan du mois.

"- Tu fais quoi dans la vie ? Elle m’a posé la question –j’en suis sûr – juste au moment où elle vit mes chaussures : boots Weston en cuir marron foncé, des pompes classes en somme.

- Je suis dans l’évènementiel.

- Intéressant, dit-elle. Je bosse en agence de com’. On fait presque le même boulot!

- C'est vrai, il y a quelques similitudes. Je descends au prochain arrêt."

Elle aussi. En sortant du métro, je lui proposai un verre, chez moi. Elle accepta. Tandis que j’insérai la clé dans le verrou, Marie commença à me caresser le dos du revers la main. Décidement, les femmes d'aujourd'hui sont si faciles. Mais je ne consomme jamais de femmes en dehors de chez moi, encore moi sur le palier.

J’ouvris la porte et nous entrâmes alors dans l’appartement.

« - C’est vraiment spécial chez toi. Tu n’as pas beaucoup de meubles.

Vraiment mignonne cette rousse.

- Non, c’est normal. Vu ce que je fais ici.

- Comment ça ? Elle ne se doute toujours de rien. Tu ramènes souvent des nanas du métro dans ton lit ?

- Pas du tout : en réalité, c’est ici que j’exécute les gens que je croise dans le métro.

- Pardon? Elle paraît un peu surprise.

- C'est ici que je savoure mes victimes.

- Arrête de faire le con et sert moi un verre. Et assieds toi, tu me stresses." Elle riait.

Elle tournait dans l'appartement, elle avait l'air très observatrice. A quoi bon?

Trop mignonne cette rousse. Trop. Trop. Trop.


Pendant qu’elle contemplait « Le Champ de blé aux corbeaux », l’unique touche artistique de ce lieu de mort, je m’emparai de ma batte. Une vieille batte que j'utilise de temps à autre.

Quelque chose en elle s’est brisée où elle la vit. A ce moment précis, la terreur prit forme dans son corps, sous la forme d'un tremblement généralisé, incontrôlable. Ensuite, dans son cœur, car des larmes commencèrent à couler sur ses joues. Enfin, un torrent de sentiments indescriptibles se déchaîna violemment sur son visage.

Je frappai, fort, à plusieurs reprises, jusqu'à ce qu'un silence absolu se fasse. En général, je demeure assis en face de ma victime, la tête entre les mains, une jambe croisée par dessus l'autre, le regard vide.

Je ne pensais pas que son sang puisse sécher aussi vite et de tout façon, il est tout à fait exclu que je commence à nettoyer ce bordel tout de suite. Je décide alors de me griller une cigarette. Je crache la première bouffée par les narines et jette un regard à travers la fenêtre du salon : décidément, le balcon des voisins d’en face me dérange. Il va falloir que j’y fasse un tour. Comme on dit, au cas où.
Mais avant ça, j’apprécie ma clope en sirotant un thé glacé.